Souvent on compare la mémoire à un ordinateur. En fait c'est l'inverse : c'est bien l'ordinateur qui est calqué sur la mémoire. Dans un ordinateur, vous avez un processeur, qui pourrait correspondre à votre cerveau, de la mémoire vive, qui permet à votre ordinateur d'être multi tâche. Cette mémoire vive correspond à votre mémoire de travail. Et puis vous avez le disque dur qui correspondrait à votre mémoire à long terme. Comparer la mémoire et l'ordinateur est pas mal, mais la meilleure analogie est celle-ci : un arbre.
A votre avis, si je remplis cet arbre de feuilles sur toutes les branches, qu'est-ce qu'il faudrait lui rajouter pour que je puisse continuer à dessiner des feuilles ? Peut être avez vous deviné : des branches. En rajoutant des branches je pourrais continuer à dessiner des feuilles. Votre cerveau fonctionne de la même façon : plus vous créez de branches, plus il est performant.
Votre cerveau est constitué de 86 milliards de neurones. A chaque fois que vous apprenez quelque chose, vous optimisez votre réseau de neurones. Plus vous avez de connaissances, plus il vous est facile de faire des liens, des associations d'idées. C'est pour cette raison que vous devez apprendre toute votre vie et rester curieux. A partir du moment où vous ne nourrissez plus votre mémoire, vous n'optimisez plus les connexions entre vos neurones. Or, avec le temps, les connexions anciennes s'affaiblissent, voire se détruisent : c'est un peu comme si vous empruntiez un chemin pendant 10 ans et que les 10 années suivantes vous ne l'utilisiez plus. Au final, ce chemin disparaîtrait. Vous devez donc sortir de votre zone de confort, varier les activités, vous amuser, rencontrer du monde, bref rester actif.
Ce que les anciens avaient déjà compris
Les anciens avaient déjà compris deux choses : la première, c'est que la mémoire s'apparente à une maison. Elle aime ce qui est rangé et organisé. Ainsi, chez vous, vous n'avez aucun souci à retrouver les assiettes, ou encore vos habits ou votre brosse à dent. Vous vous souvenez des endroits où sont rangées vos affaires. En revanche, il n'est pas impossible que vous perdiez vos clés de temps à autres. Surtout si vous ne les rangez jamais au même endroit. Dans ce cas, vous ne facilitez pas la tâche de votre mémoire qui ne sait plus retrouver l'information.
La deuxième chose que les anciens avaient compris, c'est que la mémorisation est favorisée par l'émotion : quand vous faites battre votre cœur, vous retenez mieux. L'expression apprendre par cœur vient de là. D'ailleurs, pendant longtemps on a cru que la mémoire se situait dans le cœur.
Cette vision de la mémoire est très intéressante car elle permet déjà de distinguer deux processus : le premier, c'est que l'art de la mémoire consiste d'abord à bien retenir, à fixer efficacement une information et à la maintenir active pour vous en servir. Le second c'est que vous devez mettre ensuite en place un processus pour bien retrouver cette information.
Le mythe de la mémoire photographique
Quand on aborde le phénomène des mémoires prodigieuses, ce qui revient souvent c'est la notion de mémoire photographique. Des tas de films ont pour sujet des personnages qui possèdent cette forme de mémoire absolue qui porte un nom précis : la mémoire éidétique. Vous avez peut-être vu des films comme « La Mémoire Dans la Peau » où le héros est capable en un clin d'oeil de mémoriser l'environnement, ou encore des films comme « Rain Man » où le personnage central, joué par Dustin Hoffman, est capable de dénombrer en un claquement de doigt le nombre d'allumettes tombées par terre.
Derrière ces prouesses se cachent bien des fantasmes. En réalité, très peu de personnes sont capables de telles performances et la plupart du temps ces dernières sont très largement surestimées. Par exemple, je ne sais pas si vous le saviez, mais le film Rain Man est inspiré de l'histoire vrai d'un américain, Kim Peek, qui était atteint d'un trouble de la personnalité qu'on appelle le syndrome d'Asperger, ou encore le syndrome savant. Cette pathologie, qu'on compare souvent à une forme d'autisme, vous rend plus sensoriel. Elle est souvent couplée à ce qu'on appelle une synesthésie : dans ce cas là, les personnes atteintes de ce trouble mélangent tous leurs sens. Elles voient les chiffres et les nombres en couleurs ou en textures par exemples. Elles sont attentives au détail. Bref, elles ne fonctionnent pas comme nous.
L'envers du décor, c'est que ces personnes là ont un réel déficit de ce qu'on appelle les neurones miroirs : les neurones miroirs sont impliqués dans l'empathie et l'apprentissage. Leur rôle est de vous permettre de vous mettre à la place d'autrui. Ainsi, en vous mettant à la place de quelqu'un, vous pouvez apprendre par imitation. En vous mettant à la place d'une personne triste, vous pouvez ressentir ses émotions et adapter votre comportement. Alors que si vous êtes atteint du syndrome d'Asperger, vous n'en êtes pas forcément capable.
La vérité sur les mémoires prodigieuses
Par ailleurs, ça ne vous donne pas non plus toutes les capacités qu'on voit dans les films : ainsi, dans Rain Man, l'épisode où Dustin Hoffman dénombre le nombre d'allumettes est faux : il est basé sur l'étude d'un chercheur qui s'intéressait à des jumeaux qui présentaient le syndrome savant. Un jour, ils font tomber des allumettes et annoncent à voix haute un nombre comme 113. Là, le chercheur est évidemment très étonné et constate qu'il y a bien 113 allumettes par terre. Il suppose donc que ces deux frères ont cette capacité à dénombrer beaucoup d'informations sans effort. Mais quand on continue de lire l'étude, on s'aperçoit qu'en fait la boîte appartient à ces jumeaux et qu'elle les suit partout. Ils savent précisément le nombre d'allumettes qu'elle contient. A ce jour, on n'a pas pu établir qu'une personne était capable de dénombrer instantanément plus de 7 ou 8 informations.
Toute capacité prononcée cache en général d'autres déficiences
Pour en finir avec les mémoires prodigieuses, il faut aussi savoir que les personnes qui ont ces capacités souvent bluffantes restent limitées. Ainsi, Kim Peek avait une autre particularité : votre cerveau est constitué de 2 hémisphères, séparés par ce qu'on appelle le corps calleux. Kim Peek n'avait pas de corps calleux. Ça lui donnait une capacité étonnante, celle de lire la page de gauche d'un livre avec l'oeil gauche et la page de droite avec l'oeil droit en même temps. Contrairement à ce qu'on peut croire, il ne retenait réellement que les chiffres et dates. Il était par contre incapable de s'en servir intelligemment : il pouvait les restituer mais pas forcément expliquer le contexte de ces chiffres ou nombres.
Plus proche de nous, Daniel Tammet[1] lui aussi atteint du syndrome savant, a réussi à mémoriser plus de 20.000 décimales du nombre Pi. En soit, vous serez sans doute d'accord avec moi, ça ne représente pas un grand intérêt. Mais ce qui est intéressant, c'est l'explication qu'il donne. Il explique que pour mémoriser tous ces chiffres, il visualise des paysages, des couleurs, des textures. Bref qu'il implique malgré lui un système sensoriel relativement complexe... qu'on peut chercher à imiter par des stratégies, mais sans garantie de résultats aussi marquant !
Notes :
[1] Daniel Tammet est l'auteur du livre Je suis né un jour bleu
Vos réactions (1)
À force de vouloir toujours apprendre ça en devient amusant et d'ailleurs si je ne me trompe pas, apprendre souvent de nouvelles informations retardent la maladie d'alzheimer