Je vous propose une immersion dans ce monde fascinant que sont les illusions. Qu'est-ce qu'une illusion ? C'est une perception erronée de la réalité. Il y a évidemment plusieurs formes d'illusions mais, ce qu'il y a d'intéressant dans leur étude, ce sont nos limites perceptives. Nous faisons confiance à nos sens : ce que nous voyons, ce que nous entendons etc... Et nous percevons comme vrai ce que nous captons avec nos 5 sens. Or la réalité n'est pas toujours aussi simple. Parfois, il faut savoir prendre de la distance, faire appel à son esprit critique et prendre de la hauteur pour ne pas commettre d'erreur.
Les magiciens utilisent les faiblesses sensorielles (l'attention, la vue, l'ouïe) pour tromper leurs semblables... dans un but de divertissement. S'intéresser au monde des illusions permet, entre autre, de mieux comprendre comment nous percevons ce qui nous entoure. On peut ainsi développer et affiner son esprit critique, sa "cognition". Par ailleurs, mettre en place une illusion implique différentes conditions : angle de vue, présentation, supposition... Bref des stratégies qu'on peut parfois transposer dans la vie courante et professionnelle.
Chaque cerveau est différent. Dans les faits, la procédure pour percevoir et donner du sens à de l'information est identique chez tout le monde : vous utilisez, par exemple, votre vue pour capter l'information visuelle. Cette information sera ensuite traitée par le cortex visuel qui, grâce à différentes aires indépendantes, se chargera de décoder la couleur, la forme et le mouvement de ce que vous voyez. Par recoupement, vous trouverez une signification à l'information captée, et vous répondrez à cette perception par une action adaptée : vous agirez en fonction de ce que vous percevez. Si quelqu'un vous tend un verre d'eau, vous le saisirez pour le boire.
Le rôle de l'interprétation
Là où tout le monde diffère, c'est bien évidemment sur l'interprétation de ce que nous captons. Ainsi, si nous vous demandons d'imaginer un ballon, certains penseront au foot, d'autres à la plage, d'autres encore à leur enfance. Si nous vous demandons d'analyser une œuvre d'art, chacun d'entre vous donnera un avis différent. Tout simplement parce que la « vision » que vous avez de votre environnement dépend de vos gènes d'une part ainsi que de vos différentes expériences. Expériences qui ont façonné votre cerveau et donc votre jugement.
Prenez un musicien : si vous le soumettez à un examen en laboratoire, vous observerez une activité intense au niveau du cortex auditif de l'ordre de 25% supérieure à la moyenne. C'est le résultat de la stimulation, de l'entraînement régulier qui a donné à ce musicien un acquis durable et puissant. Il saura rapidement reconnaître une note, un air, alors qu'un non musicien n'y parviendra pas. L'interprétation finale sera donc différente. Lorsque le cerveau interprète mal une information, il est victime de ce qu'on appelle une distorsion. C'est le cas face à des illusions d'optique, des mirages mais aussi lorsqu'on modifie l'angle de vue d'une information pourtant bien connue.
Regardez l'image à l'envers ci-contre : reconnaissez-vous ce portrait ? Comment s'appelle-t-il déjà ? Évidemment, la plupart d'entre vous aura reconnu la célèbre Joconde. Tournez maintenant votre tête (et j'imagine que ça ne va pas être facile) pour la regarder à l'endroit. Surprenant, n'est-ce pas ? Vous avez perçu des similarités avec un tableau que vous connaissez bien. La Joconde est célèbre pour son sourire : or, ici, elle apparaît plutôt triste. Car il ne s'agit que d'une vulgaire copie et non pas de l'œuvre originale. Vous présenter ce portrait à l'envers a suffi à vous induire en erreur. Ces erreurs d'interprétation sont à la base des illusions dites cognitives : c'est votre raisonnement qui est trompé, manipulé.
Étonnant, non ?
Ci-contre, à nouveau, observez les cercles oranges : ils vous paraissent différents ? Vous vous trompez : ils sont exactement de la même taille. Le fait de parasiter votre vision de cercles gris plus ou moins gros vous les font apparaître différents.
Nous avons tous un cerveau différent, chacun le notre, qui traite les informations en fonction de tout un tas de paramètres. Votre logique, par exemple, s'appuie sur les connaissances enregistrées dans votre mémoire sémantique. Ce que vous voyez, ressentez et pensez sont des attentes basées sur les expériences stockées dans votre mémoire. Imaginez que selon ces dernières, à chaque fois que vous avez eu affaire à un chien, il se soit mis à aboyer ou à montrer les crocs : pour vous, et vous le croyez sincèrement, les chiens sont sans doute des animaux menaçants. Car votre cerveau, quand il est habitué, prédit la suite des événements¦ et parfois se laisse prendre. Lorsqu'un stimulus a été conditionné, des stimuli qui lui ressemblent déclenchent des réponses identiques : c'est le processus de généralisation.
Comment vos (fausses) croyances vous conditionnent et vous influencent
Dès lors que vous avez expérimenté et déterminé par vous-même une série de croyances sur un thème précis, il devient plus facile de conforter ces croyances en ajoutant « de l'eau à votre moulin » : ainsi, si vous détestez les chiens, vous serez sensible au discours d'une personne vous promettant de vous en protéger. Votre esprit critique, amoindri, ne se méfiera pas d'une intervention qui pourrait revêtir plusieurs niveaux de lecture auxquels vous resteriez insensible, aveugle.
Nous sommes tous conditionnés, au quotidien, par une série de croyances que nous considérons comme vraies et qui orientent nos choix. En voici quelques-unes :
- « Il pleut toujours quand je lave ma voiture » ou « C'est toujours sur moi que ça tombe » ;
- « Il n'est jamais là quand on a besoin de lui » ;
- « à chaque fois qu'il y a un problème, on voit que c'est la faute d'un étranger » ;
- « à chaque fois que je fais la queue dans un magasin, je tombe toujours sur une caisse qui tombe en panne etc.
Dans ces situations, non seulement nous exagérons la relation entre des faits, mais en plus nous faisons une confusion entre la cause et l'effet : est-ce qu'il pleut parce que vous lavez votre voiture ou est-ce que vous lavez votre voiture alors qu'il va pleuvoir ? Est-ce qu'il n'est vraiment jamais là quand vous avez besoin de lui ou est-ce que c'est au moment où vous avez besoin de lui qu'il n'est pas là ? Est-ce que vous tombez toujours sur une caisse qui tombe en panne ou est-ce que dans la plupart des cas ça se passe bien ?
Dès lors que vous faites un lien entre deux événements par erreur, vous êtes victime d'une corrélation illusoire : quand A précède B, on conclut que A provoque B. Dans la vie, les corrélations sont utiles : si le ciel se couvre, c'est sans doute qu'il va pleuvoir. Grâce à cette corrélation, vous pouvez anticiper : ramasser du linge, vous dépêcher pour vous abriter, etc.
Les magiciens jouent sur cette capacité pour la retourner contre vous : s'ils vous montrent un chapeau vide, qu'à plusieurs reprises ils tapent dessus avec une baguette magique et qu'ensuite un lapin sort du chapeau, au bout d'un moment vous conclurez que lorsque le magicien agite sa baguette, il va se passer quelque chose de magique. Ils attirent ainsi votre attention sur des fausses solutions...
Une discipline qui mêle illusion, perception, mémoire et interprétation : le mentalisme
Le mentalisme est une discipline très à la mode en ce moment. Longtemps inconnue du grand public, elle s'est retrouvée sur le devant de la scène grâce à la série "The Mentalist" et, dans une moindre mesure, la série "Lie to me". Dans les deux cas, le héros semble posséder une capacité hors du commun : celle de décrypter à coup sûr le langage corporel, ou d'hypnotiser et influencer ses semblables (Patrick Jane, interprété par Simon Baker).
"The Mentalist" est directement inspirée de l'émission à succès animée par le mentaliste britannique Derren Brown qui a eu énormément de succès outre-manche. Il faut dire que, pour les besoins de l'émission, les producteurs ont mis le paquet : scénographie, image, expériences et le très charismatique Derren Brown au top de sa forme.
Mais au fait, c'est quoi un mentaliste ? Le mentalisme est une discipline artistique, qui relève du domaine de l'illusionnisme et dont l'objectif est de divertir un public. Pour faire simple, un mentaliste est un magicien (illusionniste) qui s'est spécialisé dans les expériences de lecture de pensée, de prédiction, de coïncidence etc... Ces expériences sont rendues possibles par tout un arsenal de techniques de spectacle appartenant au monde des artistes illusionnistes. Jean Eugène Robert-Houdin, magicien, présentait en son temps (19ème siècle) une expérience de double vue avec son fils ! Parmi les mentalistes célèbres : Mir et Myroska, O'Shan et Naga, Max Maven, Gary Kurtz, Derren Brown et bien d'autres.
Alors est-ce qu'un mentaliste utilise des astuces psychologiques un peu secrètes ? Oui ! Tout comme le magicien d'ailleurs. En fait, le but du mentaliste c'est de vous convaincre de la réalité de son expérience, tout comme le magicien cherchera à vous convaincre de la réalité de son illusion. En tant que mnémoniste, je suis rattaché à la branche "mentalisme" dans le sens où les démonstrations de mémoire prodigieuse sont du domaine des capacités mentales. Mais je n'ai aucun pouvoir, j'utilise juste des procédés mnémotechniques à partir desquels je me suis beaucoup entraîné.
Un mentaliste, tout comme un magicien, n'a pas vraiment le droit à l'erreur s'il veut assurer son spectacle. Il ne peut donc pas se contenter de lire le langage corporel. Même si cette discipline l'aide, au même titre qu'un médecin, qu'un policier à anticiper s'il maîtrise parfaitement cet art, elle n'est pas fiable à 100%, loin de là . Il faut donc à l'artiste une technique supplémentaire, infaillible, qui lui permettra de réussir son expérience à coup sûr.
Dans la série "The mentalist" qu'apprend-on sur le héros, Patrick Jane ? Qu'il est issu du monde du cirque, qu'avant d'aider la police il était un "pseudo-voyant" à la limite de l'escroquerie. Dans plusieurs épisodes, d'ailleurs, il pratique quelques tours... de magie ! D'ailleurs, le saviez-vous ? Uri Geller, celui qui tordait les petites cuillers par la force de sa pensée est en fait un magicien. Il a été démasqué à plusieurs reprises par James Randi au USA et par Gérard Majax en France. Pourtant, aujourd'hui, Uri Geller est une star chez lui, en Israà«l et tous ses adeptes essayent eux aussi de tordre les petites objets par la force de leur pensée. Ils n'y arrivent pas, évidemment, car Uri Geller utilise ce qu'on appelle chez nous, les magiciens, un gimmick pour réaliser ses tours de force...