Etes-vous intelligent(e) ? Ou plutôt, vous sentez-vous intelligent(e) ? Vos enfants, vos amis, votre famille... Tout ce petit monde est-il intelligent à vos yeux ? Et puis d'abord c'est quoi être "intelligent" ? Et comment le devient -on ?
Le mot intelligence vient du latin "intellegentia " qui veut dire faculté de comprendre. Dans l'absolu, quelqu'un d'intelligent, donc, a cette faculté de comprendre. C'est sans doute pour cette raison que tous, à différents degrés, nous sommes intelligents. Etre intelligent, c'est aussi être capable de :
- s'adapter face à la nouveauté
- faire preuve d'imagination
- de créativité
- d'abstraction
- c'est aussi être pratique : savoir résoudre des équations, c'est bien, mais si un jour vous crevez sur la route et que vous n'êtes pas capable de changer votre roue, serez-vous intelligent à ce moment là ? Non. Même, j'ai l'impression que vous vous sentirez un peu "bête".
L'intelligence, c'est quelque chose de complexe. Notre société, malheureusement, a longtemps mis de côté toutes les compétences manuelles, corporelles au profit de compétences plus abstraites.
Ainsi, Alfred Binet et Théodore Simon, en 1905, créent les premiers tests : l'échelle métrique de l'intelligence. Ces tests mesurent en réalité l'âge mental grâce à une série de questions plutôt axées sur l'arithmétique, le vocabulaire etc... Plus tard, un allemand, Wilhelm Stern, inventera l'expression Quotient Intellectuel (QI). Dans la pratique, si le sujet est capable de réaliser des tests qui sont censés être résolus par des individus plus âgés, il a un QI supérieur. Par exemple, si Jean, 13 ans, réussi des tests qui habituellement sont réussis à 15 ans, il a un QI de (15/13)*100 = 115, la moyenne étant à 100. D'ailleurs, le saviez-vous ? Environ 65% de la population ont un QI compris entre 85 et 115 (moyenne 100). Seulement 7% ont un QI compris entre 125 et 130. 1 personne sur mille a un QI de 145 !
Alors évidemment, sur Internet, vous trouverez tout un tas de sites pour mesurer votre QI. C'est un peu limitatif dans le sens où ça devrait être encadré par un spécialiste qui pourrait commenter efficacement les résultats. Car il faut prendre ces tests comme un simple indicateur à un instant "T". C'est à dire que vos résultats peuvent être influencés par votre humeur, votre degré de fatigue : vous pourriez très bien être déficient tel jour et surdoué le lendemain ! Donc à manipuler avec des pincettes .
Différentes formes d'intelligence
Plus tard, Jean Piaget, psychologue et biologiste suisse, distinguera deux types d'intelligences : l' intelligence sensori-motrice et l' intelligence verbale . La première, essentiellement pratique, concerne les enfants jusqu'à deux ans, et leur permet d'organiser ce qu'ils ressentent pour appréhender la réalité. Plus tard, ils accèdent à la dimension symbolique par le langage : ils conçoivent verbalement ce qui les entoure.
Aujourd'hui, les chercheurs s'accordent pour dire qu'il existe plusieurs formes d'intelligences. En 1983, Howard Gardner (photo ci-contre), professeur d'Université à Harvard, publie son ouvrage " Frames of Mind: the Theory of Multiple Intelligence " (traduit en français sous le titre " Les Formes de l'Intelligence "). Pour la première fois, un spécialiste nomme différentes formes d'intelligences. Ainsi, selon Gardner, nous posséderions en tout et pour tout une dizaine d'intelligences distinctes :
- L'intelligence logico-mathématique, qui vous permet de raisonner, calculer, mesurer, résoudre des problèmes ;
- L'intelligence spatiale, qui vous permet de vous orienter, de visualiser un espace, un itinéraire ;
- L'intelligence interpersonnelle, c'est ce qui vous permet de comprendre les autres, de faire preuve d'empathie ;
- L'intelligence corporelle-kinesthésique, qui vous permet de vous exprimer avec votre corps : danse, sport etc¦
- L'intelligence verbo-linguistique, qui vous permet de vous exprimer, d'être cohérent, de communiquer verbalement ;
- L'intelligence intrapersonnelle vous permet de décrypter vos émotions, de vous écouter ;
- L'intelligence musical-rythmique est utile pour toutes les personnes qui ont besoin d'être en rythme ;
- L'intelligence naturaliste est un peu plus abstraite car elle vous permet d'être sensible à l'environnement, aux animaux etc¦
- L'intelligence spirituelle est présente chez les personnes qui se posent des questions d'ordre existencielles
- L'intelligence émotionnelle, popularisée par Daniel Goleman (le fameux « Quotient Emotionnel), qui met l'accent sur votre aptitude à gérer vos émotions
Comment développer son intelligence ?
Qu'en déduire ? Que tous, nous naissons sans doute avec des prédispositions et que nous pouvons vraisemblablement travailler sur toutes nos intelligences pour progresser dans la vie. Et ce dès notre plus jeune âge jusqu'à la fin de notre vie. Prenons l'enfant : je reçois souvent des coups de fil me demandant comment aider son enfant à devenir plus intelligent. Bon, outre le fait que, souvent, les parents qui me posent ce genre de question ont certainement une idée derrière la tête, la première chose à faire est d'enrichir l'environnement de l'enfant. Lui permettre d'accéder à la culture, le savoir. On peut tout apprendre. Avec bien sûr plus ou moins de réussite suivant nos aptitudes de départ, mais on peut tous progresser dans une matière. Si vous reprenez les différentes intelligences de Gardner, dans l'absolu, vous seriez plus intelligent(e) si... :
- vous vous entraîniez à calculer, résoudre des problèmes (jeux de logique)
- vous appreniez à vous diriger sans GPS
- vous travailliez à développer votre empathie, par l'écoute par exemple
- vous vous forciez à bouger votre corps, via de la danse, un sport
- vous vous entraîniez à parler en public, vous exprimer
- vous écoutiez votre corps
- vous vous amusiez à jouer de la musique (pour être en rythme)
- vous vous intéressiez à la nature, les animaux
- vous vous posiez des questions existentielles (je pense que c'est le cas d'un peu tout le monde...)
- vous appreniez à gérer vos émotions, à développer votre confiance en vous
Bref, vous voyez, vous avez là mille et une façon de progresser naturellement dans la vie en apprenant, en restant curieux. Par la multiplicité de ces apprentissages, vous favoriseriez en plus ce qu'on appelle les transferts de savoirs dans votre cerveau : plus vous apprendrez, plus il sera facile d'apprendre et plus vous serez intelligent(e) !
Et les jeux de mémoire ?
Dans une étude très sérieuse parue dans le Magazine "Cerveau et Psycho" de Janvier et Février 2009, Alain Lieury, professeur émérite de Psychologie Cognitive à l'Université de Rennes 2, et Sonia Lorant-Royer, Maître de Conférence en Psychologie Cognitive à l'IUFM d'Alsace, proposent le résultat de tests très intéressants concernant les "jeux de mémoire".
Ces jeux de mémoire, vous les connaissez : on les trouve invariablement dans les magazines, certains livres et depuis peu sous forme de jeux vidéos via notamment la console "Nintendo DS". Que dit l'étude ? D'une part que la mémoire est une faculté qui cloisonne et d'autre part que l'intelligence ne s'éduque pas vraiment avec les jeux. Finalement, si on arrête de s'entraîner, le bénéfice est nul. Eh oui ! Vous entraîner à mémoriser des listes de nombres, de mots, d'objets ne favorise en aucune manière la mémorisation des textes, des concepts par exemple. La raison est simple : bien que l'essentiel des fonctions de la mémoire se situe dans le cortex cérébral, l'aire de visualisation des mots n'est pas la même que celle des chiffres ou des concepts. Ainsi, l'entraînement aux jeux de mémoire n'est pas toujours transférable à une autre activité de mémorisation.
Prenez le champion de la mémoire, Ben Pridmore. Selon certaines sources, il serait en mesure de mémoriser un jeu complet de 52 cartes mélangées en 29 secondes ! Incroyable non ? Pourtant, des études ont montré que les stratégies utilisées dans ce type de performance ne sont pas toujours applicables à d'autres matières comme les langues étrangères, la poésie etc... Ce qui veut donc bien dire qu'on peut être bon en maths et mauvais en histoire et vice-versa : ces deux matières, l'une plutôt scientifique et l'autre plutôt littéraire, sont suffisamment différentes pour devoir employer deux stratégies adaptées.
L'intelligence ne s'éduque pas avec les jeux
L'idée même d'éducabilité de l'intelligence remonte aux années 60-70. C'est aussi à cette époque qu'on a supposé pouvoir améliorer le raisonnement via des "ateliers de raisonnement". Pourtant, là encore des tests très sérieux, impliquant différents groupes, certains soumis à ces jeux de raisonnement et d'autres non, ont clairement montré que ceux qui s'adonnaient aux "jeux de mémoire" obtenaient une très légère progression de 20% par rapport au groupe qui ne faisait rien. Et quoi ? Après tout, puisque ces résultats ont montré qu'on obtenait une progression, pourquoi se plaindre ?
En fait, il faut savoir qu'en situation de test, on considère comme négligeable une progression inférieure à 30%. Ensuite, il faut bien se rendre compte que s'entraîner à des jeux de mémoire prend du temps : si le résultat final est négligeable, à quoi bon ? là , il s'agit d'un choix somme toute personnel... Et alors, quoi faire ? C'est très simple. Le meilleure moyen pour développer son raisonnement, son "intelligence" (encore que l'intelligence se décline, mais ça fera l'objet d'un autre article) reste l'apprentissage varié. Est-ce que ça veut dire qu'il ne faut pas jouer pour autant aux jeux de mémoire ? Non ! Ils ne sont de toute façon pas nocifs et maintiennent quand même une activité cérébrale. Par contre, privilégiez les jeux qui vous amusent et non ceux qui vous énervent et vous découragent. Car dans ce cas, vous pourriez développer un sentiment de nullité qui irait à l'encontre de l'objectif premier de ces jeux de mémoire...
Jeux de mémoire et entraînement
Une dernière partie de l'étude montre également que, pour que ces jeux soient un minimum profitables, il faut les pratiquer régulièrement. Ce qui est logique : si vous envisagez de remporter la Coupe Davis de Tennis, vous allez bien évidemment vous entraîner très fort chaque jour... Le jour où vous arrêterez l'entraînement, il est fort probable que vous deveniez moins performant. C'est également vrai concernant les jeux de mémoire : on se rend compte que si on s'arrête de s'exercer, le maigre bénéfice acquis disparaît comme par enchantement. Dur, dur !!
Pour conclure
Dans l'absolu, les jeux de mémoire ne sont pas nocifs, bien au contraire : ils ont un rôle de divertissement, d'activité cérébrale. Sauf s'ils deviennent "énervants". Leur bénéfice n'est pas vraiment nul : ceci dit, le temps passé n'est intéressant que si on s'amuse. Ainsi, alors que les jeux de mémoire des magazines ou des consoles vidéos se présentent plus sous la forme de tests "psychotechniques" (mémoire spatiale, mémoire de travail etc...), vous pourriez tout aussi bien jouer au Scrabble, au Pictionnary ou à n'importe quel jeu de société qui, en plus, intègrent une dimension sociale (on joue à plusieurs) : vous obtiendriez le même résultat. Mais que ceci ne vous empêche pas de tester votre mémoire : tant que ça reste du jeu, ça reste ludique...
Vos réactions (4)
Bonjour Vincent,
Associeriez-vous l'instruction à une forme d'intelligence? j'ai parfois entendu des personnes béates d'admiration devant des gens qui avaient de nombreuses connaissances théoriques."Ce qu'il est intelligent!"Ces mêmes personnes très instruites étaient pourtant totalement désemparées ou nulles devant des problèmes tout simples à résoudre dans la vie quotidienne. Je crois en effet que les tests sont à manier avec prudence.
Bien amicalement.
Bernadette
Disons que l'instruction permet d'apprendre mais vous répondez vous même à votre question : si c'est juste de la théorie, alors ça ne concerne qu'une forme d'intelligence. Or, être intelligent, c'est savoir s'adapter à toute situation nouvelle... y compris dans la vie quotidienne. Ce qui prouve qu'il vaut mieux "une tête bien faite qu'une tête bien pleine" ! Il faut varier les apprentissages et quand je parle d'apprentissages j'inclus les compétences manuelles etc...
Bonjour Vincent,
Merci pour votre enthousiasme à nous faire partager vos passions.
Il y aurait bcp de choses à dire, comme par ex. la dérive des tests, utilisés pour autre chose que ce pourquoi ils ont été créés, etc.
Je me contenterais de relever cette erreur :
"En 19, Howard Gardner (...). Pour la première fois, un spécialiste nomme différentes formes d'intelligences."
Euh... vous devriez en parler à des experts en psychologie cognitive (universitaires de préférence, ils se doivent de vérifier leurs propos !), comme votre ami Alain Lieury (même si l'intelligence n'est pas sa spécialité) avant d'écrire de telles affirmations.
Il vous parlera peut-être du psychologue américan Thurstone qui, ds les années 1930, est le 1er à étudier systématiquement les aptitudes primaires (dimensions de l'intelligence, si vous préférez) et décrit sept facteurs primaires (termes plus justes selon moi) avec la vitesse perceptive, numérique, fluidité verbale, verbal, spatial, mémoire, raisonnement.
Voir ensuite les travaux de Pawlik en 1966 avec 19 facteurs primaires ; ceux de Cattell en 67 avec 21 facteurs (travaux qui complètent ceux de Thurstone)et de Guilford (la même année)...
Gardner est, il est vrai, plus "actuel" mais présente pas tant de nouveauté qu'on le présente suivant.
Et l'essentiel de vos propos n'est sans doute pas là mais il me semble important d'être le plus "vrai" que possible... même si la vérité du moment se doit d'être remis en cause !
Amicalement
Pascal
Bonjour Pascal,
Merci pour cette précision.
Oui, vous avez parfaitement raison. En fait, dans l'article je voulais sous entendre que Gardner a le premier popularisé la théorie des intelligences multiples. Théorie qui remonte à très, très longtemps. En Afrique par exemple, au XIVème siècle, le Tunisien Ibn Khaldoun en distinguait 3 : l'intelligence tactique, stratégique et scientifique. Plus près de nous, Bergson parle d'intelligence géométrique etc...